La globale tragédie Extrait N.2
Scène 2
Dans une salle du palais de Sabuchi ; Sabuchi , Samira
Sabuchi
Te voici devant moi, troublante et obsédante,
Tu viens affronter l'objet de ton épouvante...!
Tu as franchi les mers pour venir jusqu'à moi,
Tel défi audacieux ne ressemble qu'à toi !
Ainsi donc j'aurais méconnu ta résistance ....
Samira
T'ignorer plus longtemps n'aurait eu aucun sens !
Sabuchi Ma volonté t'a fait chercher et t'a trouvée
Samira
Ma volonté vers mon seul enfant m'a guidée !
Sabuchi
Ton destin est donc à nouveau entre mes mains !
Samira
Ton destin ! Me trouver toujours sur ton chemin !
Sabuchi
Samira, de nombreux jours se sont écoulés
Depuis dix ans, le temps pour nous a travaillé.
Je ne suis plus Sabuchi, le guignol de foire,
L'épouvantail vantard qui croyait tout savoir
De l'art de gouverner, de régner sur le monde,
Mon corps n'existe plus, mon âme est moribonde !
C'est un humain, par la poésie obsédé
Que tu vois aujourd'hui, par toi transfiguré.
Samira
Tu es......
Sabuchi
.... Libéré de moi-même, un homme conscient !
Qui ne veut plus jouer le rôle du méchant !
Samira, abasourdie
Tu... tu utilises encore une de tes ruses,
Tu veux m'apitoyer, tu me mens, tu abuses,
Mais non... peut-être as-tu raison, es-tu sincère,
Pourrais-tu donc rassurer le cœur d'une mère ?
Sabuchi hors de lui
Je n'en peux plus, je ne veux plus être un surhomme !
Que simple quidam dorénavant on me nomme ! ! (Pause)
Déjà je sens le sol s'effondrer sous mes pas.
Il est là, il nous épie, il attend sa proie,
Il est tapi dans le coin, il sourit, narquois,
(Samira est interloquée, elle le dévisage)
Les forces maléfiques de la création
Se sont jouées de moi, me faisant histrion,
Un sordide jouet pour le mal programmé,
Par l'auteur de ma vie à tout jamais damné !
Je l'entends qui respire... Il me dicte mes crimes !
Il possède ma voix, me pousse vers l'abîme !
Jaloux du pouvoir qu'il m'a donné, il se cache
Mais il va bientôt devoir payer. Qu'il le sache ! (Légère pause)
Au fond d'un palais je devais donc te revoir
Retrouver la femme abusée, te recevoir,
Demander ton pardon pour les affronts commis.
Samira, semblant comprendre son revirement
L'aurais-tu fait ? Toi, le diable, mon pire ennemi ?
Sabuchi
Pourquoi m'avoir fait méchant, cruel, inhumain ?
Qu'il approche, qu'il ose, qu'il se montre avant demain !
Samira, entraînée à suivre la même logique
Et moi, l'enfant, j'étais venue pour le chercher,
L'enlever à tes griffes, le consoler, l'aimer !
Sabuchi:
Femme courageuse, ta conscience m’a vaincu,
Faut-il donc que je t’aime ? Faut-il qu'en toi j'aie cru ?
Samira interdite
M'aimer ? Moi ? C'était renoncer à ton pouvoir !
Sabuchi
Trouver l'amour… ? Préférer mourir à ma gloire !
Samira
Sacrifier ta puissance ! (Reprenant le fil de ses pensées) Mais un nouveau malheur
Déjà se profilait, répandant la terreur !
(Ils entrent tous les deux en vision)
Sabuchi
L'enfant ! L'enfant de cette logique inconsciente,
Notre enfant, allongé dans une chambre ardente,
Samira
Victime expiatoire d'un crime insensé,
Pour alléger le poids du monde il était né,
Il servait la poésie d'école en école,
Son innocence aux lèvres pour toute parole.
Sabuchi
Mais une volonté créatrice et perfide
Avait écrit sa fin, et pour moi le suicide !
Samira
Tu devais le trouver dans le bombardement
De l'école frappée... chirurgicalement ! (pause)
Moi, la prisonnière, la mater dolorosa,
Je ne veux plus souffrir, ne suis plus Samira !
Se tourne vers le public
Je ne chercherai pas dans la feinte refuge,
N'utiliserai point le malin subterfuge.
Alors, je laisse à tout jamais tomber la ruse
Qui voulait que de Sabuchi enfin j'abuse :
Le poème codé qui m'a fait condamner
Ne servira pas cette fois à l'envoûter.
J'ai rendu au tyran le pouvoir merveilleux
De penser librement sans se prendre pour Dieu
Sabuchi
Je ne détruirai pas cet enfant innocent !
Samira
Le monstre désarmé ne boira pas son sang !
Sabuchi
Non! Plus de terreur ! Plus de nouvelle victime !
Samira
Non! Qu'un égal élan à jamais nous anime !
Sabuchi
Je renonce à la guerre, je renonce au chaos !
Samira
Je ne règnerai pas sur un monde nouveau !
Sabuchi
Non, le tyran n'était pas celui que l'on croit !
Sabuchi et Samira
Nous ne sommes pas Sabuchi et Samira !
Noir dans la salle